TRIBUNE – Ce 17 janvier, nous avons fêté les 20 ans de la VAE. Derrière cet acronyme — la validation des acquis de l’expérience — se niche un droit fondamental pour l’ensemble de nos concitoyens, celui d’obtenir un diplôme sans passer par une formation “académique”. Il affirme que tout n’est pas joué à 20 ans, à l’issue de la formation initiale. Que l’on apprend, que l’on se professionnalise, que l’on acquière des compétences tout au long de sa vie.

Il faut rendre ici hommage à Nicole Pery, secrétaire d’État à la formation professionnelle et à Vincent Merle, son directeur de cabinet, qui sont parvenus à imposer il y a tout juste 20 ans, cette idée iconoclaste en France. Pour la première fois, les actifs pouvaient accéder, via la validation des acquis de l’expérience, à l’ensemble des certifications.

C’est tout sauf anodin. C’est donner une égalité d’estime à ce que l’on apprend au cours de sa vie, c’est envoyer un signal sur le marché du travail ou dans son entreprise, c’est contribuer à la construction et la valorisation de son parcours professionnel.

En cela, la VAE contribue à la cohésion sociale et à la promotion professionnelle.

Faire valoir ses compétences

Cette intuition essentielle est plus que jamais d’actualité. Elle répond aux préoccupations du moment, alors que notre économie est en pleine mutation, alors que la façon d’organiser le travail et de produire des biens et des services se transforme, sous l’impulsion de la révolution numérique mais aussi de la transition écologique, alors que la compétitivité se joue aussi (d’abord?) sur les compétences.

Nous le savons, nous serons amenés à changer plusieurs fois de métiers au cours de notre carrière professionnelle. Et, dans notre quotidien, nous mobilisons tous de nouvelles activités, acquises dans d’autres univers professionnels ou même dans notre vie personnelle, dans nos engagements associatifs ou citoyens…

Pourtant, ces compétences ne sont souvent pas lisibles. Nous avons du mal à les faire valoir sur le marché du travail.

Cette myopie est une source de frustration voire de désengagement pour les personnes mais c’est aussi un frein pour le développement de notre économie.

Après 20 ans de pratiques, la VAE reste ce formidable outil au service des actifs. Mais force est de constater que son usage recule: moins de candidats, moins de VAE réussies, près d’un quart sur 10 ans.

Pour améliorer son accès, la VAE doit être simplifiée, rendue plus accessible notamment aux plus éloignés de l’emploi et aux moins qualifiés, mais aussi mieux connue. Cela suppose aussi d’assurer un accompagnement de qualité aux personnes qui souhaitent faire reconnaitre leurs acquis, très tôt dans leur parcours, car souvent on se sent seul: être accompagné pour repérer ses acquis, pour individualiser les réponses, pour projeter les prochaines étapes…

Cela suppose encore de rendre visibles toutes les compétences, qu’elles soient professionnelles, transversales, sociales… Pour rendre au parcours de vie toute sa valeur. L’inspiration donnée par les “open badges” est une piste pour développer demain un système où aucune formation ne resterait sans acquis certifié, et où toutes les compétences identifiées pourraient faire l’objet d’une reconnaissance.

“On sait toujours quelque chose”

Ces évolutions sont essentielles pour faire de la formation un réflexe, une action naturelle dans un parcours professionnel. C’est affirmer que l’on ne doit pas toujours tout recommencer à zéro, c’est valoriser ce que l’on sait – car on sait toujours quelque chose –, c’est donner et même recréer l’envie d’apprendre, c’est dépasser les craintes qui existent toujours lorsque l’on se lance, adulte, dans un parcours de formation, c’est rendre la formation possible, accessible. C’est aussi, pour les demandeurs d’emploi, renforcer les chances d’insertion.

L’enjeu est de passer d’une démarche ponctuelle, trop exceptionnelle, de validation des acquis de l’expérience, à une posture permanente d’apprentissage et de reconnaissance de ces apprentissages.

C’est affirmer que l’on ne doit pas toujours tout recommencer à zéro, c’est valoriser ce que l’on sait

Pour toutes ces raisons, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a décidé de lancer une expérimentation pour lever les freins à la VAE, rendre son accès plus simple et plus lisible, réduire les délais et les démarches administratives, sans transiger sur l’exigence et la qualité de la preuve des compétences détenues, ce qui est le gage de la reconnaissance. Notre choix, c’est de réformer par l’expérimentation, de tester à petite échelle avant de généraliser, de parier sur l’ingéniosité des acteurs, de prendre en compte le retour des utilisateurs, de ceux qui se lancent de cette formidable aventure, pour ajuster et apporter un service “sur mesure”.

Le mouvement est engagé. Il nous appartient aujourd’hui – État, régions, partenaires sociaux, entreprises, certificateurs et accompagnateurs – de franchir une nouvelle étape, à partir des enseignements de l’expérimentation en cours. Car, nous ne pouvons pas construire la société de la connaissance sans la société de la reconnaissance!